Dans le Marais

Azraël fut presque amusé par cette mascarade, bien qu'il fut légèrement anxieux face à la soudiane apparition de son «maître». La souffrance s'étant aténuée, la liche se releva péniblement et recula de deux ou trois pas. Il cracha.

-Et pourquoi me concidères-tu comme étant encore «vivant»? Comment oses-tu me qualifier de vivant? J'ai délaissé cette existence il y a bien longtemps. Entre nécromanciens, nous devrions bien nous comprendre. Et puis cesse ce petit spectacle Fang, tu n'impressionnes personne avec tes tours d'amateur.

Inquiet de conserver la mascarade avec Malgol, Olath jeta un rapide coup d'oeil vers le marais afin de s'assurer que celui-ci ne comprendrait pas la fourberie envers ce soit disant maître. Il était bien loin.

- "Vous êtes un nécromancien, Fang, si vous nous considérez différent de vous, sachez que les mortels vous voient de la même manière qu'ils nous voient. Des abérations."

Une douleur vive prit vie sous la peau du mort, le pliant en deux en un instant. Cependant, la douleur, il connaissait. Il parvenait à tenir debout, les jambes tremblantes, les bras serrés autour du torse, ses armes au sol.

- Vous... vous êtes hors de votre jurisdic...jurisdiction... F... Fang. Vous... devez formez les maîtres élémen... taux. Pas juger... de qui vie... de qui meurt.

Olath regarda sa main. Le bout de ses doigts reprenaient une couleur disparue, une couleur de chaire.

Ses yeux prirent une allure étrange. Comme vitreux. Une larme coula. Soudain, l'image de son peuple décimé lui revint en tête. Une lame d'émotion lui creva le coeur. Il tomba à genoux, se disant, estomaqué, assez fort pour que seul lui comprenne:

- Des... sentiments?

Au début il ne s'agissait que d'un picottement dans la jambe, puis la sensation grimpa jusqu'à son bras droit. Le nécromant sentait quelquechose s'agiter sous sa peau, contre ses os. Du sang? De la vie? Une masse inconnue se gonfla dans sa cage torassique, lui rendant la respiration difficile. La respiration? Toutes ses choses ramenait des souvenirs au mage aussi sec et aussi dure que s'il avait été marqué au fer rouge. Son passé vécu dans le monde des vivants. Ces brides de mémoire éveillèrent en lui une colère, une immense haine. Toute chose se rapportant à son propre passé le faisait bouillir de rage, faisait ressurgir une chose, une ombre, qui était depuis un siècle enfuie au plus profond de lui. Cette voix... LUI. Sans s'en rendre compte, Azraël était tombé à genoux, bras croisés sur le torse, comme voulant retenir quelquechose.

-Fang...arrrr... arrrête! Tu t'es assez jjjjj... joué de nous! Tu as prob..... mieux à faire.

L’esprit d’Azraël ouvrir les yeux. Le corps de Madrad était secoué de convulsions violentes et ne relâchait que des gémissements continus et des filets d’écume déchirant le coin de ses lèvres. Cette carcasse chair et de sang n’était en rien le corps du sorcier, uniquement une autre prison charnelle où il avait élu domicile. Son âme de cendre siégeait au fond de cette cage aux muscles rougeâtre. La douleur, la souffrance, une sensation. Cette chose faisait partie pour lui d’un passé qui revenait à l’attaque, comme une charge implacable. Allongé de tout son long sur le sol, le nécromancien ressentait de nouveau l’air se frayer un chemin vers ses poumons, son sang se faufiler au travers de toute sa constitution. Le pire, c’était cette chose qui se débattait dans son torse, cognait inlassablement pour s’en libérer… un cœur. Ses yeux étaient si ouverts qu’on aurait dit qu’ils tentaient de sortir de leur orbite. De nombreuses veines parcouraient la surface humide et blanchâtre de ses yeux. Une larme coula alors le long de sa joue. Azraël respirait à peine, comme s’il se trouvait en catatonie, paralysé sur le sol.

Un frisson parcourra l'échine d'Olath.

Le froid.

Mais contrairement à Azraël, ce changement était loin de l'agonie. La soif, enfin étanchée. Ces tourments de survie de mort enfin hors de lui. Enfin? Non. La mort était son chemin vers une existence éternelle. Il était de retour à la case départ.

Un autre frisson se fit sentir.

Il faisait froid. La pluie continuait de s'abattre et Olath était loin d'être vêtu pour faire face à une telle température.

Il grelottait, ses bras noués autour de lui.

Il se leva en titubant et regarda rapidement autour de lui, cherchant Fang de l'oeil. Évidemment, il n'y parvint guerre.

- "Fang!" cria-t-il. Mais seul l'écho lui répondit.

Il accourut vers Azraël, les mains tremblantes et gelées et lui tenu la tête pendant qu'il semblait perdre contrôle de son... corps.

Azraël revenait peu à peu à lui. Chaque pas qui le ramenait à son corps était une nuée de ronces sur son esprit à vif. Bientôt il put cligner des yeux, bouger un doigt. Il était visiblement sous un choc terrible. Son regard tomba graduellement sur Olath. Ils étaient là, pas dans le royaume qu’il dont il s’était exilé, celui des morts. Il se redressa tranquillement le haut de son corps pour s’asseoir. Soudain son regard s’agita et parcourra les environs de façon frénétique. Une lueur blême luisait dans son regard, celle de la peur.

Désormais de retour de son existance dans la Non-vie, les pupilles se dilatèrent et semblait prendre de nouveau conscience. Il lui fallut encore quelques secondes pour restructurer de façon fiable les brides de sa mémoire. Son regard tomba alors sur Olath. Lui aussi. Lui aussi ressentait le froid et les larges goûtes d'eau sombre fondre lourdement sur eux. Lui aussi était de retour à la vie. Azraël chercha tout d'abord un moyen de trouver une source de chaleur. Il maîtrisait serte certains sortilèges des éléments, dont le feu. Malencontreusement, cette pluie diluvienne mettrait à bas quelconque effort de faire un feu pour se réchauffer. Il n'eut qu'une seule idée, probablement la meilleure chose à faire, selon lui. Sa main parcoura le sol à la recherche d'une pierre de petite taille. Il finit par en prendre une qui lui convenait. Il ressentait toujours une énorme faiblesse. Il regarda Olath droit dans les yeux.

-Je vais avoir besoin de toi.

- Pour faire quoi? Retrouver ton phylactère?

Olath restait attentifs à tout ce qui se trouvait autour de lui, cherchant à ne pas donner quelconque avantage à qui que ce soit.

Surtout pas à Fang.

Azraël serra la roche dans sa main, une lueur grisâtre, très pâle, jaillit. Il prit ensuite la main du Sang'alyr et y plongea la petite roche, un étrange symbole y était à présent gravé. Il s'empressa ensuite d'attraper Olath par le col. Le sorcier psalmodia quelques incantations occultes et laissa tomber mollement son bras, cet effort lui avait couté une part de son énergie. Le mage elfique, étant toujours auprès du nécromant, sentit le poids de celui-ci s'évanouir, même que son corps semblait commencer à passer au travers de celui de l'elf.

-Amène cet objet avec toi. Commençons par aller à l'auberge du village, histoire d'établir quelquechose et d'être confortable.

Le teint de l'humain se pâlirent, jusqu'à devenir presque vaporeux. La totalité de son corps se dissolva tranquillement, jusqu'à ce qu'il ne soit plus de tout là.

-Je vais prendre cette forme, question de regagner un peu de forces et de faciliter mon déplacement. Si jamais j'en juge le moment nécessaire, j'interviendrai. Sinon part! Avant de... (rire d'amertume)... de mourir de froid.

Sans dire un mot, sachant qu'il pouvait communiquer avec son compagnon si c'était nécessaire, il s'en alla, cherchant souvent où aller à cause de sa vision troublée par la pluie.